Pourquoi ? (8)
par Gerald Gardner (traduction Ameth)
Dans « Sex in History » G. Rattray Taylor dit page 19 :
L’Eglise n’a jamais réussi à obtenir l’acceptation universelle de sa réglementation sexuelle, mais avec le temps, elle a été en mesure de faire respecter l’abstinence sexuelle à une échelle suffisamment importante pour produire de nombreuses maladies mentales. Il est à peine exagéré de dire que l’Europe médiévale s’est mise à ressembler à un vaste asile d’aliénés. Une situation, pourrait-on ajouter, où divers petits groupes de personnes plus ou moins éclairées ont œuvré pour que la flamme de la raison et du progrès humain continue à bruler.
Dans de nombreux cas la procédure de la Cour chrétienne, le Tribunal Ecclésiastique, prenait le pas sur la loi du pays.
Chaucer nous parle de la Cour de l’archidiacre qui s’occupait d’infractions sexuelles, de sorcellerie, de diffamation, des testaments, des contrats, de situations d’intestat, du manque de sacrements et de bien d’autres « sortes de crimes dont il n’est pas besoin de parler maintenant, des inconstances et aussi de simonie », et parle de l’Envoyé ou Délégué de l’Evêque « Par de petites dimes et des petites offrandes il incitait les gens à le singer piteusement. Il court à droite et à gauche avec des châtiments pour fornication. »
Comme le dit J.W. Jedwine dans « Tort, Crime and Police » :
Les Tribunaux Ecclésiastiques ont toutes sortes de peines pour les infractions sexuelles et les Tribunaux sanctionnent des femmes « pour avoir été violées » !!! Il s’agit de femmes violées de force, comme dans le cas d’une ville conquise pendant la guerre. Plus tard, les femmes furent déshabillées puis fouettées publiquement pour cette infraction alors que l’homme devait donner de l’argent à l’Eglise. Celui qui avait protégé une femme qui avait péché était puni par l’Eglise pour avoir été un mauvais chrétien. « Robert Donalson et Margaret Masoun sont condamnés à payer 11 shillings pour « n’avoir pas dénoncé la naissance dans leur maison de l’enfant de Janet Masoun né d’une relation adultérine avec Jhon Beatoun de Pitlichie. Ils sont aussi condamnés à faire parfaite pénitence. » (Registers of St. Andrews Kirk Session. Scottish Hist. Soc. p.796).
Le Délégué de l’Archevêque était assisté d’espions et de personnes malveillantes qui encourageaient les justiciable à s’adresser au Tribunal Ecclésiastique plutôt qu’aux conseils de leurs voisins. Les dossiers de la Leet Juridiction of Nocwich (Seld. Soc.) en donne de nombreuses preuves. Le tribunal qui revendiquait ces droits comme dépendant de la religion devait être un tribunal appartenant à un étranger indésirable, il n’était par exemple pas rare qu’un prieuré anglais dépende d’un Abbé français (voir Y.B. 17 Edw. III. 14,18). Dans les Orkocys, pour faire un vœu à Saint-Magnus il fallait tirer au sort pour savoir si l’on devait faire un pèlerinage vers le sud, libérer un esclave ou donner de l’argent au sanctuaire de St. Magnus. Généralement il fallait donner de l’argent au sanctuaire .... A l’époque du Roi Stephen il y a eu un conflit entre St. William d’York et Henry Murdoc, qui était le candidat des Cisterciens, de St. Bernard et de Rome. En 1153 St. William a retrouvé l’archevêché dont il avait privé. Osbert de Bayeux, qui avait été un archidiacre de Murdoc, a tué St. William en versant du poison dans le calice d’eucharistie puis a affirmé la loi ordinaire ne pouvait rien contre lui puisqu’il était homme d’église !
Je pense que nous devrions maintenant essayer d’en comprendre le « pourquoi ? » de ce fantastique état du droit. Pourquoi un homme devrait échapper à toute sanction après un assassinat cruel et lâche ? (Un profane pourrait aussi penser que d’empoisonner le calice de la Sainte Communion est un sacrilège.) Je pense que la seule réponse peut-être qu’il y avait une telle haine de la prêtrise ou de ce qu’elle représentait, que nul prêtre ne pouvait se sentir en sécurité s’il était jugé par un tribunal judiciaire ordinaire. Bien sûr, dans le cas d'Osbert de Bayeux, il aurait pu y avoir des complications en raison du meurtre d’un Saxon par un Normand. Mais il y a toujours eu une forte demande de l’Eglise pour que tous ses commis (c’est-à-dire les prêtres ou ceux ayant reçu les ordres mineurs) soient au-dessus des lois et puissent bénéficier de l’impunité. Les « Select Pleas of the Crown » (S.P.C. p.121) montrent qu’en 1220 un homme accusé d’agression et de meurtre dans le parc de Lord Warenne a affirmé être membre du clergé et il s’en est ainsi sorti libre. « The Ancient Laws of Wales » éditées par Aneurin Owen (A.L.O.W ; v.11, 92), disent que si un clerc commet un vol et qu’il est déchu, il ne doit pas aussi être tué, car il ne devrait pas y avoir deux peines pour un seul délit. Il apparaît donc que les tribunaux peuvent parfois défroquer un ecclésiastique ayant commis un crime mais ils ne peuvent pas aller plus loin. En tout cas il s’agit clairement d’un verdict à la « Non coupable, mais ne recommencez pas. »
« Les Très Anciens Coutumiers de Normandie » (TANC Chap. 72), les Constitutions de Richard III (Coeur de Lion) disent : « Les prêtres et les clercs ne doivent pas être pendus, les clercs emprisonnés doivent être remis à l’évêque ». Bien sûr, malheur au clerc qui avait fait quelque chose qui causera le courroux de l’évêque, mais dans la pratique, le remettre à l’évêque signifiait simplement le laisser s’en aller. D’ailleurs, cette coutume était connue sous l’appellation de Bénéfice du Clergé. Finalement, toute personne qui savait lire était considérée comme un clerc. Le test était un petit vers des Ecritures que l’accusé est censé lire en public. Je dis « censé » car les criminels l’apprenaient par cœur et il fut appelé « Le Verset du Cou » car il sauvait de la pendaison. L’Eglise s’est accrochée obstinément à ce privilège et la première tentative visant à atténuer ce problème fut de marquer au pouce ceux qui se targuaient du « Bénéfice du Clergé » pour éviter qu’ils ne l’invoquent une seconde fois. Puis ceux ayant commis un homicide volontaire ne purent plus invoquer ce « Bénéfice du Clergé ». Plus tard encore, ceux qui ont abrogé les lois pénales contre les sorcières pensaient que les prêtres et les évêques qui commettaient un meurtre n’étaient « pas très gentils ». Les mœurs et les opinions évoluent lentement.
Il nous est difficile de comprendre la mentalité de cette époque. Ceux qui pensent que le Moyen-âge avec tous les tournois, les fêtes et les histoires d’amour romantique était une période romantique, doivent se rappeler qu’à cette époque il y avait des monarques comme le Bon Roi René de Provence, le patron des troubadours, mais que c’était aussi l’époque de la croisade où le Pape Innocent III a massacré les Albigeois. Les femmes des classes privilégiées, comme nous les appelons de nos jours, pouvaient prendre du bon temps et c’était aussi le cas dans les classes laborieuses, si elles acceptaient de travailler dur et aimaient les enfants. Les paysans pouvaient être très heureux tout en vivant dans des conditions de saleté et d’environnement qui auraient fait frémir les réformateurs sociaux. Mais il était dit qu’entre ces deux classes, les seules carrières pour les femmes dans cette époque (Seltman Charles, opus cité) étaient « la bourgeoise-épouse-ménagère, la prostituée, la religieuse, et la sorcière. » Cette opinion est intéressante, à l’exception des nobles et des épouses, des domestiques et des paysannes qui étaient astreintes au travail tous les jours de leur vie, et la nonne dont le sort était pire encore, les seules femmes libres, les seules femmes qui pouvaient utiliser leur cervelle, étaient les prostituées et les sorcières. Il y avait de nombreuses prostituées dans toutes les villes et elles accompagnaient toutes les armées en hordes bien organisées et passaient allègrement à l’ennemi si leurs protecteurs étaient vaincus. L’Eglise les persécutait parfois, mais en général elle les laissait en paix dans la mesure où elles payaient la dîme sur leurs revenus.
wica wicca Gerald Gardner