La Messe Noire (2)

par Gerald Gardner (traduction Ameth)

Des écrivains tels que Hugh Ross Williamson and H. T. F. Rhodes ont beaucoup fait ces dernières années pour mettre en avant le concept du « Dualisme », c’est-à-dire l’idée que l’Univers est divisé entre un Dieu bon et un Dieu mauvais, ou « Satan », entre lesquels il y a une guerre. Même si les recherches de ces deux auteurs sont précieuses, je me permets de marquer mon désaccord sur certains points importants. Ils affirment que ce Dualisme est un facteur important du développement du culte des sorcières, et je ne peux pas accepter cela, parce que ces deux auteurs pensent tous deux que Satan était le dieu qu’adoraient les sorcières et selon ce que je sais ce n’est pas vrai. Les gens qui attribuent à Satan des pouvoirs qui sont presque égaux à ceux de Dieu sont des chrétiens, orthodoxes ou hétérodoxes. Le paganisme d’où vient le culte des sorcières n’attribue pas de tels pouvoirs à Satan.

Qu’est-ce que le paganisme enseigne sur l’origine du mal ? Cela dépend, bien sûr, de ce qu’on entend par « paganisme ». Les seuls types de paganisme qui nous intéressent ici sont ceux qui peuvent avoir eu une certaine influence sur le culte des sorcières. Le Druidisme, la religion des Celtes, n’avait pas de doctrine sur une divinité du mal opposée au Dieu du Bien. Il n’y a aucune preuve que la religion de la Grande Déesse Mère ou de l’ancien Dieu de la Chasse avait un concept d’un être surnaturel auteur de tous les maux. Et qu’en est-il des Cultes à Mystère de l’antiquité. Avons-nous un moyen de savoir ce que les Mystères enseignaient sur l’origine du mal ?

Au 4ème siècle après JC, alors qu’il y avait une lutte acharnée entre le paganisme et la nouvelle croyance qu’était le Christianisme, Salluste, qui était un ami intime de l’Empereur Julien (appelé l’Apostat, car il a essayé de restaurer l’ancienne religion), a écrit un traité appelé « Peri Theon kai kosmou, sur les Dieux et le Monde ». Il est probable que ce traité ait été une sorte de manifeste du paganisme le plus prééminent en vigueur à cette époque et il est évident que son auteur était un initié des Mystères.

Le traité est imprimé dans le troisième tome de « Fragmenta Philosophorum » de Mullach. En outre, Gilbert Murray en a publié une traduction complète dans un appendice de son « Five stages of Greek Religion », la seule édition facilement accessible. Il y a aussi la version plus rare publiée par Allatius en 1539. Le Professeur Murray en a dit que ce texte « peut être considéré comme faisant autorité en matière croyance païenne ».

Pour ce qui est des mythes des Dieux, Salluste dit : « On peut dire que le Monde est un mythe où les corps et les choses sont visibles, mais les âmes et les esprits sont cachés. » Ainsi les mythes sont un biais par lequel on enseignait aux gens les vérités divines. « ... Les mythes disent à tout le monde qu’il y a des Dieux, mais quels ils sont ils ne font bien connaître cette science, qu’à ceux qui sont capables de comprendre. »

Non seulement Salluste croit fortement à la survie après la mort corporelle, mais il croit également que les âmes de ceux qui sont morts continuent à s’intéresser au bien de l’humanité, ce qui est attesté par sa remarque : « Que ces explications des mythes trouvent grâce aux yeux des Dieux eux-mêmes et des âmes de ceux qui ont écrit les mythes. »

Il dit :

Il est propre à la Cause Première d’être l’Unique – car l’unité précède la multitude - et surpasse toutes choses en pouvoir et en bonté. Ainsi, toutes choses doivent y participer car en raison de son pouvoir rien ne peut l’entraver et à cause de sa bonté elle ne se tiendra pas à l’écart .... Après ce Pouvoir inexprimable il y a les ordres des Dieux. Certains Dieux sont du monde et sont Cosmiques, et certains d’au-dessus du monde et sont Hypercosmiques. 

Salluste nie totalement l’existence d’une Puissance du Mal, ou même d’esprits mauvais, dans le sens où ce sont des « diables ». Il dit:

Les Dieux étant bons et faisant toutes les choses, comment le mal peut-il exister dans le monde ? Ou est-il préférable d’estimer d’abord que les Dieux étant bons et qu’ils font toutes  les choses, il n’y a pas de mal absolu, le mal ne découle que de l’absence de bien, tout comme les ténèbres n’existent pas en elles-mêmes, elles ne sont qu’absence de lumière. 

Si le Mal existe, il doit exister, soit dans les Dieux soit dans les esprits, les âmes ou les corps. Il n’existe pas chez les Dieux, car les Dieux sont bons. Si quelqu’un parle d’un « esprit mauvais », il pense à un esprit sans conscience. S’il parle d’une âme mauvaise, il pense que l’âme est inférieure au corps, car aucun corps n’est mauvais en lui-même. S’il dit que le Mal est constitué de l’union de l’âme et du corps, il est absurde que séparément, ils ne puissent être mauvais et qu’ensemble ils puissent être source de mal.

Supposons qu’il existe des esprits mauvais, s’ils tiennent leurs pouvoirs des Dieux, ils ne peuvent être mauvais, s’ils tiennent leurs pouvoirs d’ailleurs, les Dieux ne font pas tout. S’ils ne font pas tout, alors soit ils le voudraient et ils ne le peuvent pas ou alors ils le peuvent et ne le souhaitent pas, aucune de ces options n’est cohérente avec l’idée que l’on se fait de Dieu. Nous pouvons donc voir à partir de ces arguments, qu’il n’y a pas de mal absolu dans le monde.


 

  

 

 

 

 

 

 

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