La Messe Noire (3)
par Gerald Gardner (traduction Ameth)
C’est dans les activités des hommes que le mal apparaît, pas chez tous les hommes et pas tout le temps. Pour eux, si les hommes pèchent c’est par amour du mal, la Nature serait elle-même mauvaise. Mais celui qui commet l’adultère pense que son adultère est mauvais, mais que son plaisir est bon, de même le meurtrier pense qu’il est mal d’assassiner, mais que l’argent qu’il y gagne est bon et l’homme qui fait le mal à un ennemi pense que de faire le mal est mauvais, mais que de punir ses ennemis est bon. Si l’âme envisage tous ses péchés de cette manière, alors tout le mal est fait pour l’amour du bien. (De même, si la lumière n’existe pas en un lieu donné, seuls y règnent les ténèbres qui pourtant n’ont pas d’existence en elles mêmes.) Ainsi les âmes pèchent tout en pensant faire le bien, elles font erreur sur le bien, car ce n’est pas leur Essence Primaire. Et nous voyons de nombreuses choses faites par les Dieux pour les empêcher de faire des erreurs et les guérir de ce qu’ils avaient fait d’elles. Les arts et les sciences, les malédictions et les prières, les sacrifices et les initiations, les lois et constitutions, les jugements et les punitions, tous ont été créés pour empêcher les âmes de pécher et quand elles quittent le corps, les Dieux et les esprits de purification les purifient de leurs péchés.
Puis Salluste continue en expliquant le sens profond des rites religieux, dans la section intitulée : « Comment les Dieux étant immuables, peuvent s’irriter et s’apaiser ? » Il dit :
Il est sacrilège de croire que les choses humaines puissent influer en bien ou en mal sur l’état des Dieux. Ils sont éternellement bons et bienfaisants ; ils ne nuisent jamais et tiennent toujours une conduite uniforme. Pour nous, lorsque nous sommes bons, cette ressemblance nous unit en quelque sorte aux Dieux, cette dissemblance nous en sépare. En vivant suivant la vertu, nous sommes attachés à la divinité ; en nous plongeant dans le vice, nous nous éloignons des Dieux non parce qu’ils s’irritent mais parce que nos péchés les empêchent de nous illuminer et nous livrent aux démons vengeurs. Si les prières et les sacrifices nous procurent la rémission de nos péchés en fléchissant les Dieux et en changeant la vision qu’ils ont de nous, c’est au fond parce que nos actions et notre retour à la divinité, en nous guérissant de notre malice, nous rendent de nouveau participants de la bonté des Dieux. Les Dieux ne s’éloignent donc pas des méchants et n’ont pas d’aversion pour eux, pas plus que le soleil ne s’éclipse pour ceux qui sont privés de la vue.
Cela résout la question des sacrifices et des autres rites qu’on rend aux Dieux. Le divin lui-même n’a besoin de rien ; ainsi le culte que nous lui rendons, ne peut se rapporter qu’à ce qu’il nous apporte. La providence des Dieux est universellement répandue, mais il faut une certaine habitude pour nous la faire apercevoir. » (Comparez avec l’idée des sorcières voulant que l’homme doive faire quelque chose pour « bâtir un pont », pour ainsi dire, entre lui et les Dieux). Il continue en disant : « Les Dieux ne gagnent rien de tout cela, qu’est ce que les Dieux pourraient en tirer ? C’est nous qui y gagnons en communiquant avec eux. »
Il dit aussi que « l’Athéisme qui se manifeste en diverses parties de la terre et qui se manifeste encore souvent dans la suite, n’est pas digne de porter le trouble chez les personnes sensées. Les Dieux eux-mêmes ne sont point attaqués par cela pour la même raison que nos hommages ne leur apportent aucun profit et parce que l’âme étant d’une nature moyenne, il est impossible qu’elle ne tombe jamais dans l’erreur.
Il révèle très clairement sa croyance dans la doctrine de la Réincarnation et du Karma lorsqu’il poursuit en disant :
Il n’est pas improbable, non plus, que le rejet de Dieu soit une sorte de punition, nous pouvons croire que ceux qui connaissaient les Dieux et les négligent dans une vie pourront être privés, dans une autre vie, de leur connaissance. De même ceux qui auront adoré leurs propres rois comme des Dieux auront mérité leur punition et perdront toute connaissance de Dieu.
Il développe cette croyance lorsqu’il parle de la transmigration des âmes.
Si la transmigration de l’âme se fait par le passage d’une âme, d’un corps humain dans un autre, lorsque l’âme entre dans le corps d’un être doué de raison, elle devient l’âme propre du corps où elle entre. Mais, quand l’âme passe dans des corps d’animaux, elle n’y entre pas à proprement parler, elle ne fait que les suivre extérieurement, comme un esprit gardien suit un homme. Car, jamais une âme raisonnable ne saurait devenir celle d’un être privé de raison.
(Pensez à la croyance en ce qu’on appelle aujourd’hui les « Esprits Guides »; encore une fois il ne pense manifestement pas que l’âme humaine pourrait littéralement transmigrer dans un animal, devenant brutale et avilie, et ceux qui aujourd’hui croient en la réincarnation pensent généralement de même.)
La métempsycose se prouve par ces afflictions congénitales. Pourquoi certains naissent-ils aveugles, d’autres paralytiques, d’autres avec quelques désordres dans l’âme elle-même. Elle se prouve par la nature des âmes à gouverner des corps, il ne serait pas naturel qu’après avoir exercé une seule fois cette fonction, elles demeurent oisives pendant toute l’éternité
Les âmes qui auront vécu dans la vertu sont en général heureuses », dit-il, « et quand elles sont séparées du principe irrationnel de leur nature et purifiées de tout corps, elles seront unies aux dieux et partageront avec eux le gouvernement du monde. » Ici il parle évidemment de ceux qui ont progressé au point où ils n’ont plus besoin de se réincarner sur terre. Mais il n’utilise pas la promesse du Paradis ou la menace de l’Enfer comme un moyen pour rendre les gens bons, car il poursuit:
« Et quand aucune de ces choses ne leur arriverait, la vertu seule, le plaisir et la gloire qui l’accompagnent, la vie exempte de chagrins et de servitude qu’elle procure, suffit pour rendre heureux ceux qui, ayant fait choix d’un genre de vie conforme à la vertu, y parviennent. »
Je pense que la chose qui va frapper le plus la conscience du lecteur qui est versé dans l’enseignement des types les plus élevés des cercles spirites et occultes n’est généralement pas l’ancienneté de ce discours de Salluste, mais sa surprenante modernité. Il aurait pu avoir été prononcé hier. En outre, il aurait pu avoir été prononcé lors d’une réunion de sorcières, hier ou il y a des années, comme une présentation générale de ce qu’elles croient et l’on verra qu’il n’y a pas de place chez elles pour un quelconque « culte du Principe du Mal ». Bien sûr, tous les enseignements de Salluste n’ont pas aussi bien supporté l’écoulement du temps. Par exemple, il pensait que la terre était le centre du Cosmos, mais l’esprit de son enseignement, l’esprit des Mystères de son époque, qui est aussi l’esprit des croyances du Culte des Sorcières, est intemporel.
Le Professeur Murray dit très justement :
En partie instinctivement, en partie superficiellement et consciemment, chaque génération humaine réagit contre la précédente. L’homme adulte se détourne des lumières qui lui ont été imposées dans son enfance. Le fils hausse les épaules face aux conseils qui ont ravi son père et avec des degrés différents de sensibilité ou d’indifférence, d’expérience plus ou moins complète, il réécrit lui-même le manuscrit de ses croyances. Pourtant, même pour le rebelle le plus courageux ou le plus fou, ce manuscrit n’est qu’un palimpseste. Sur la surface tout vient d’être écrit, tout est propre et est une auto-affirmation de soi. En dessous, atténué mais indélébile, dans les fibres du parchemin, il y a les traces de nombreuses anciennes aspirations, ravissements et luttes que sa conscience a rejetés ou totalement oubliés. Quant aux choses oubliées, s’il y a vraiment de la vie en elles, elles sortiront parfois de la poussière, prêtes à guider l’avancement de l’humanité.
wica wicca Gerald Gardner