par Gerald Gardner (traduction Ameth)

Ces idées et procédures, tout en étant assez anciennes (les travaux magiques de Salomon sont mentionnés par Joseph), sont comme des choses d’hier comparées aux idées sous-entendues par les pratiques sorcières qui, comme j’ai essayé de le montrer, datent de l’Age de Pierre. Bien que l’idée sur laquelle est basée « la magie du nom » puisse être primitive et bien que des techniques similaires - même si, bien sûr, elles utilisent d’autres noms de Dieu – étaient déjà connues des anciens Egyptiens, la magie cérémonielle qui nous vient du Moyen Age est une tradition des plus sophistiquées qui exige une certaine éducation afin d’être mise en oeuvre. Il faut aussi s’astreindre à une préparation élaborée et cela nécessite un attirail sophistiqué et cette magie est assurément judéo-chrétienne dans son expression et ses perspectives. La tradition sorcière, d’un autre côté n’est pas chrétienne ou juive, elle pouvait être pratiquée et l’a été, par des gens qui ne savaient ni lire ni écrire, et les objets nécessaires sont des plus simples. Le cercle des sorcières n’est pas tracé pour contenir les démons à l’extérieur, car aucun démon n’est évoqué, il est tracé pour conserver le « pouvoir » à l’intérieur. Elles partagent une croyance dans « le pouvoir du nom » dans la mesure où elles n’aiment pas que leurs Dieux soient nommés inutilement, ni que leur nom soit divulgué, mais cette croyance comme nous l’avons vu, vient d’un niveau très primitif du développement humain et on peut en trouver des exemples dans presque toutes les sociétés humaines. La pratique par les sorcières de danses rituelles, de « magie  initiative », etc., sont de formes bien plus primitives que les rites solennels et élaborés du magicien cérémoniel. La magie cérémonielle était pratiquée par des « clercs » et des nobles, les sorcières faisaient surtout partie du peuple, même si la tradition pouvait se retrouver ici et là dans une famille ancienne et noble.
Toutefois, certains adeptes de la magie cérémonielle, même s’ils pouvaient ne pas appartenir eux-mêmes à des covens de sorcières, avaient néanmoins connaissance de leur existence, et avaient parfois des sorcières pour les aider en tant que médiums. En échange, ils aidaient et protégeaient la sorcière lors des persécutions, et la sorcière, lorsqu’elle était pauvre, recevait des armes et des instruments magiques de bonne qualité et bien faits magiques du magicien. J’ai décrit cette pratique d’échange de bon procédé dans mon roman, « High Magic’s Aid ».
Je dois cependant souligner une chose. Je ne connais aucun grimoire qui impose au magicien de prendre Satan comme Dieu ou d’adorer les Puissances du Mal. Aussi avilies, stupides et blasphématoires que puissent nous paraître aujourd’hui les idées contenues dans les grimoires les plus déplaisants, ce ne sont pas des pratiques de « Satanisme » comme celles décrites dans les romans à sensations. Leur idée de base est d’invoquer Dieu et Ses anges pour obliger les démons à servir le magicien, parfois à des fins parfaitement impies. Toutefois, dans les grimoires les plus élaborés, le praticien est solennellement mis en garde pour qu’il n’utilise pas les connaissances contenues dans le grimoire pour faire le mal et il apprend que s’il le fait mal, le mal lui retombera dessus.
Le Pape Honorius III, qui prêchait les croisades, est censé être l’auteur d’un célèbre grimoire pour évoquer les esprits, dont l’usage est exclusivement réservé aux prêtres. Nous avons une copie du Grimoire d’Honorius dans le Musée. Il est à peu près comme tous les grimoires, il est diabolique dans le sens où il vous explique comment évoquer les démons et les forcer à travailler pour vous. Personnellement, je doute qu’un esprit maléfique puisse être poussé à faire le bien pour qui que ce soit. Il a un préambule prétendant être une bulle du Pape Honorius III, adressée aux prêtres de l’Eglise, leur confiant les méthodes pour contrôler les démons. Qu’il soit authentique ou non, le grimoire est de toute évidence destiné à l’usage des prêtres, en raison de certaines de ses dispositions qui ne peuvent être pratiquées que par un prêtre ordonné. Par exemple, il précise que l’opérateur « doit se lever au milieu de la nuit, le premier lundi du mois et dire une messe de l’Esprit Saint. Après la consécration, il prend l’hostie dans sa main gauche, et, étant agenouillé, il dit: (puis suit une longue prière à Jésus-Christ pour qu’il « accorde à Ton serviteur malheureux, qui détient maintenant Ton corps dans sa main, la force et le pouvoir d’utiliser sa force contre les esprits rebelles »). Puis il s’en suit le sacrifice d’un coq noir après le lever du soleil, et le lendemain, au lever du jour, une messe des Anges est célébrée. Une plume de la queue du coq sacrifié est posée sur l’autel à côté d’un couteau neuf. Prenant le vin consacré, le maître écrit alors avec certains motifs sur une feuille de papier vierge qui est posée sur l’autel. Quand la Messe est dite, le document est enveloppé dans un morceau de soie neuve de couleur violette, avec les Oblations et une partie de l’Hostie consacrée. Puis il faut sacrifier un agneau mâle et réciter différents psaumes et litanies puis terminer par la Messe des morts. Des instructions détaillées sont ensuite données pour évoquer et contrôler les démons.
Selon Leland, une édition imprimée du Grimoire du Pape Honorius a été publiée à Rome en 1629. « Il n'est pas Kabbalistique et est imprégné d’idées chrétiennes et est accompagnée d’une copie d’une bulle papale autorisant son utilisation. »
Il faut noter qu’en 1223 le pape Honorius III a  écrit à l’Archevêque de Canterbury lui demandant de donner une charge ecclésiastique anglaise à Michael Scott le magicien. L’archevêque a offert à Michael l’archevêché de Cashel en Irlande, ce qu’il a refusé car il ne parlait pas l’irlandais. Il s’agissait d’une excellente position et il faut porter à son crédit qu’il a refusé cette charge parce qu’il pensait qu’il n’était pas apte à ce poste. Michael Scott était évidemment très estimé au Vatican, puisqu’en 1227 le pape Grégoire IX, le successeur d’Honorius s’est, encore une fois, opposé à ce qu’on le poursuive.

 
 

 

 

 

 

 

 

 

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