Souvenirs et Croyances Sorcières (7)

par Gerald Gardner (traduction Ameth)

 

J’ai dit qu’il n’y avait pas de loi civile sévère à l’encontre de la sorcellerie dans l’Angleterre médiévale et, lorsque Gideon fut jugé, il fut acquitté suite à l’épreuve du fer rouge, mais cela signifie simplement qu’il n’y a pas de traces, ou qu’il n’en reste pas, des procès des tribunaux ecclésiastiques, si ce n’est l’exception curieuse du cas jugé par le clerc de l’évêque d’Ossory, Richard Ledrede en Irlande qui subsiste dans les chartres de l’Evêque (dont certains chants semblent curieux pour un Evêque : « Haro, je suis trahi, par fol amour de fausse amie » par exemple) et qui parle aussi du cas de Dame Alice Kyteler de Kilkenny en 1324. Elle fut mariée quatre fois, son premier mari fut le frère de Roger Outlaw qui était le chancelier de l’Ordre des Chevaliers de St Jean en Irlande et Lord Chancelier d’Irlande. C’était pour enrichir le neveu de Roger Outlaw, son fils, qu’elle a, dit-on, jeté des sorts avec l’aide d’un « Diable », Robert Filius Artis ou Artisson, qui est décrit comme « Aethiopis » ; c’est-à-dire noir, lequel faisait « des choses sales aux carrefours ». Si l’on tient compte de l’exagération, on peut tout de même accepter qu’elle essayait d’attirer la chance sur son fils, tout particulièrement à l’aide d’un des charmes auquel elle a eu recours, à un moyen qui consistait à « balayer la poussière vers l’intérieur », un charme dont on se sert toujours sur l’Ile de Man. On dit aussi que Robin apparaissait parfois sous la forme « d’un chien noir hirsute », un peu comme Moggy Dhoo, le spectre qui -dit-on- erre toujours sur l’Ile de Man. Peut-on envisager, pas trop sérieusement toutefois, que notre Moggy Dhoo Manxois soit à l’origine de « l’histoire du chien hirsute » ?
Rien de tout cela n’était un crime selon les lois civiles, mais l’évêque a cité des bulles contre la sorcellerie du pape Jean XXII. L’Evêque fut emprisonné pour plainte abusive, mais le geôlier avait peur de l’évêque et se plaignait du fait que la prison était devenue « un peu comme une salle de bal » où l’Evêque chantait probablement ses chants. Alors qu’il était en prison, il excommunia ses opposants et plaça tout le diocèse sous interdit, ce qui lui a valu les foudres de l’Archevêque de Dublin pour avoir décidé de cet interdit sans son autorisation. L’Evêque quitta sa prison en grande procession et attaqua une fois encore Dame Alice et son fils. L’Archevêque de Dublin et le Procureur du Roi l’ont convoqué à Dublin, mais l’évêque refusa de s’y rendre et mis en place sa propre cour de justice à Kilkenny où il a convoqué Lord Arnold de la Poore, le Sénéchal du Roi qui refusa de s’y rendre. Mais l’Archevêque se rangea dans le camp de l’Evêque au sujet de son « joyeux emprisonnement » et fit arrêter bon nombre de personnes, mais pas Dame Alice ni son fils. William Outlaw fils fut arrêté et jugé à Kilkenny devant le Chancelier, le Lord Trésorier de d’Autres où il fut décidé qu’il soit condamné à assister à trois messes par jour, à s’occuper d’un certain nombre de pauvres et de payer les réparations du Chœur de la Cathédrale.
Dame Alice s’en fut en Angleterre où elle ne risquait rien. L’Evêque s’en pris alors à Roger Outlaw pour déloyauté, ce dernier en appela au Conseil du Roi. Le Conseil a chargé un certain nombre d’ecclésiastiques de haut rang qui l’ont unanimement trouvé « loyal et honnête, zélé dans sa foi et prêt à mourir pour elle ». En attendant l’Evêque arrêta des personnes moins importantes qui furent accusées d’avoir fait partie du Coven de Dame Alice. Petronilla de Meath et d’autres avec elle furent cravachés, torturés et brûlés vifs. Si le clerc n’avait pas retranscrit les chants de l’Évêque et il est probable qu’on n’aurait pas gardé de traces de ce curieux procès de sorcières ! Il est intéressant de noter que les personnes concernées étaient toutes des nobles importants, anglais et irlandais, et tous étaient du côté des sorcières à l’exception de l’évêque soutenu du bout des lèvres par l’Archevêque.
Tout cela s’est passé sans qu’il en subsiste de trace si ce n’est les notes d’un clerc qui retranscrivait des chants (et ce fut une affaire qui dura plusieurs années et qui a impliqué les grands du royaume) ; cela montre que les Evêques pouvaient faire et faisaient ce qu’ils voulaient dans leur propre diocèse sans qu’il n’en subsiste de traces, en tout cas qu’il n’en reste plus après la dissolution des monastères.
Les sorcières racontent de vagues histoires au sujet de « l’époque des bûchers » qui semble avoir débuté vers 1300, avec des persécutions plus ou moins fortes jusqu’à l’époque d’Henry VIII, mais les persécutions entretenues par une sorte de propagande jusqu’à ce qu’il soit profondément ancré dans l’esprit des gens que les sorcières commerçaient avec le diable, occasionnaient des tempêtes en mer, provoquaient des avortements et étaient en fait responsables de presque tous les maux affligeant la race humaine. Même un auteur contemporain, Pennethorne Hughes, a écrit récemment dans son livre « Witchcraft » :
« Les sorcières jetaient des sorts, provoquaient des désastres, empoisonnaient, faisaient avorter le bétail, envoûtaient les gens, servaient le Diable, parodiaient les pratiques chrétiennes, s’alliaient avec les ennemis du Roi, s’accouplaient avec d'autres sorcières, homme ou femme, sous la forme d’incubes ou de succubes et abusaient d’animaux domestiques. Plus encore, elles faisaient tout cela de manière tout à fait consciente en pensant servir un maître diabolique et en défier le ciel. Leurs motifs étaient confus, leurs idées étonnantes, leurs pratiques de plus en plus éloignées des pratiques originales, mais elles le faisaient, et ce pourquoi elles le faisaient se trouve dans les croyances religieuses les plus anciennes. À côté de ces sorcières, des milliers de personnes techniquement innocentes sont mortes des suites d’une hystérie collective et d’une pieuse terreur ».
 

  

 

 

 

 

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