par Gerald Gardner (traduction Ameth)

 

Dans le chapitre intitulé « Pensée Magique » j’avais déjà noté qu’il y avait (et qu’il y a) un type de magie dont la phraséologie et l’apparence théologique sont judéo-chrétiennes et que ce type de magie a été pratiqué, entre autres, par des prêtres. Cette magie cherche à invoquer Dieu et Ses anges (dans le cas de la Kabbale) ou Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, le Christ, la Vierge et les Saints (dans le cas de rituels christianisés) pour donner au praticien un pouvoir sur les démons et les contraindre à réaliser les désirs du praticien. J’ai également souligné de quelle façon ce type de magie cérémonielle diffère de la sorcellerie. Pourtant de nombreux auteurs traitant de sorcellerie accusent les sorcières de pratiquer des cérémonies chrétiennes perverties, notamment une parodie de la Messe, qu’ils appellent « la Messe Noire ». Ainsi, dans ce chapitre je propose d’enquêter sur ce qu’était (et d’après ce que je sais est toujours) vraiment la Messe Noire, qui étaient les personnes qui pratiquaient réellement de telles cérémonies et dans quel état d'esprit elles se sont développées.

Les Grimoires ont souvent été décrits comme étant des livres liés au Satanisme et par conséquent les gens qui n’en n’ont jamais vu ont pensé que ces livres prescrivaient un culte à Satan, rien ne pouvait être plus éloigné de la vérité que cela comme le révélera un examen des plus superficiels de ces Grimoires. (Nous avons un nombre considérable d’entre eux dans ce musée, que ce soient des imprimés ou des manuscrits. Le lecteur pourra trouver des extraits de la plupart des grimoires importants dans « Le Livre de la Magie Cérémonielle » d’Arthur Edward Waite). La théologie des grimoires est des plus orthodoxes. Dieu et Ses anges, le Christ et les saints, règnent au-dessus de nous, le Diable et ses Anges règnent sous nos pieds. Les premiers sont invoqués, par la prière pour qu’ils viennent, les seconds sont évoqués, c’est-à-dire contraints d’apparaître, par le pouvoir des premiers. Cette conception a été élaborée dans les temps anciens de la façon la plus minutieuse. Par exemple, vers 1583 Johann Weyer a publié, dans son « Pseudomonarchia Daemonum », un compte rendu détaillé de la hiérarchie des enfers, qui étaient divisée en Rois, Marquise, Ducs, Princes, etc., dont chacun avait des légions de démons mineurs sous ses ordres, il y en avait jusqu’à sept millions. Il semblait croire ce qu’il écrivait, mais H. C. Lea suggère que Weyer avait publié ce traité pour illustrer les folies de la superstition alors en vigueur chez les prêtres sur les pouvoirs des démons. Dans une note, l’éditeur de M. Lea, le professeur Arthur C. Howland, dit :

Que l’invocation de ces esprits soit faites au nom de la Trinité, à Jésus-Christ, en le priant par les mérites de la Vierge et des Saints d’accorder un pouvoir divin sur tous les esprits malfaisants, afin quel que soit l’être qu’appelle l’adepte, il apparaîtra et fera selon sa volonté de l’adepte, sans le blesser ou l’effrayer, indique un curieux état d’esprit.

Je suppose que l’explication de cela était que si, comme on le pensait communément, Dieu avait accordé à Salomon du pouvoir sur les esprits mauvais, il n’y avait aucune raison pour qu’il ne le fasse pas pour toute autre personne qui le souhaiterait. En plus, c’était à peu près ce que faisaient les exorcistes chaque jour. Les théologiens estimaient universellement qu’il n’y avait pas de péché à commander aux démons, mais il était hérétique de les supplier, c’est comme cela que l’on éludait les lois contre la magie et la sorcellerie. En fait, ce n'était que la prise en compte par un profane du pouvoir de celui qui était instruit.

Plus tard pourtant, après la Réforme, ce genre de magie a aussi été condamné, puisque nous pouvons lire que selon les juristes laïques, la possession de livres de magie cérémonielle de cette nature était une preuve suffisante pour faire torturer quelqu’un et le conduire au bûcher. Mais dans les temps anciens, comme nous l’avons vu, la distinction était faite, le magicien cérémoniel, qui était souvent un prêtre, était plus ou moins légitime aux  yeux de l’Eglise parce qu’il « commandait aux démons », alors que les sorcières qui priaient les Anciens Dieux étaient condamnées puisqu’on estimait qu’elles « suppliaient des démons ».
 

  

 

 

 

 

 

 

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