Qui étaient les Dieux de Grande-Bretagne? (6)
par Gerald Gardner (traduction Ameth)
Je ne dois toutefois pas donner l’impression que le peuple de l’Ancienne Bretagne n’adorait qu’un seul Dieu et une seule Déesse, qui étaient exactement les mêmes dans toutes les régions du pays. Dans des temps très anciens le pays était divisé en nombreuses tribus différentes, qui vivaient bien sûr dans différents contextes selon leur lieu de vie. Un peuple de marin, par exemple, voyait son Dieu comme un Dieu de la Mer. Ceux qui dépendaient de l’agriculture se concentraient plus spécialement sur cet aspect de la Divinité qui se manifestait dans la verdure et les plantes qui poussaient dans la Nature et revenaient chaque année ou sur la fertilité du bétail. Les chasseurs eux devaient avoir un Dieu Chasseur. En outre, ces tribus avaient des dialectes différents et même les langues différentes, les noms des Dieux variaient donc d’une partie du pays à l’autre. Comme le dit Charles Squire, dans son « Celtic Myth and Legend, Poetry and Romance » :
Les Celtes, qu’ils soient Gaéliques ou Britanniques se sont divisés en de nombreuses petites tribus, chacune avec ses propres divinités locales qui incarnaient les mêmes concepts essentiels sous des noms différents.
Et cela, je pense, est plus ou moins vrai de tous les peuples. Mais les deux grandes réalités avec lesquelles tous les anciens peuples étaient confrontés étaient essentiellement celles de la Vie et de la Mort ainsi qu’une autre notion élusive, le pouvoir magique, que détenaient les Dieux. Ainsi, partout où les hommes ont formulé des représentions du Divin, il s’agissait toujours d’archétypes : la Dame de Vie, le Seigneur de la Mort et de l’Au-delà et entre eux se tissaient les liens de la magie.
Les Grands Anciens ne sont pas de simples concepts perdus dans les feuilles des vieux livres et l’esprit de vieux chercheurs. Les gens se souviennent, la terre elle-même se souvient. Dans son livre « English Folklore » Christina Hole cite une histoire racontée par R. M. Heanley dans « Saga Book of the Viking Club » de janvier 1902. Elle dit :
En Septembre 1901, il (Heanley) a vu une poupée faite en paille d’orge placée devant le seuil d’un champ de blé. La femme du fermier lui a dit qu’elle était là pour éviter les tempêtes. Elle a dit que les prières c’étaient bien mais le Tout-Puissant avait tant de choses à faire avec tous ces champs de blé et elle a ajouté : « Nous ne devons pas oublier notre Providence. Il est mieux de rester bien avec les deux partis. » Dans de nombreuses régions du pays le mot Providence n’est pas utilisé dans sa signification religieuse ordinaire, mais il désigne le Diable ou plutôt les anciens dieux avec lesquels il est si souvent confondu.
Dans le « Folklore Journal » de mars 1985 le Dr Evans raconte comment, le matin d’un Vendredi Saint à la fin du XIXe siècle, un vieil homme lui a dit : « Je suis allé aux King-stones car là je suis sur une terre sacrée ». Il faisait allusion aux Rollright Stones à la frontière de l’Oxfordshire et du Warwickshire, qui étaient traditionnellement le lieu de rencontre principal des sorcières de la région et c’était encore vrai il n’y a pas si longtemps que cela.
On trouve de nombreux textes où il est question des panthéons Irlandais et Gallois bien qu’en ce qui concerne le Pays de Galles les textes sont plus récents. On peut penser sans trop se tromper que les Anciens Dieux du Pays de Galles sont aussi ceux de l’ancienne Bretagne. Les Dieux Irlandais leur ressemblent beaucoup même s’ils ont un nom légèrement différent en raison de la différence de langue. Mais en Angleterre presque toutes les traces écrites ont été détruites par les vagues successives d’invasion et par les activités de la hiérarchie chrétienne de sorte qu’il ne reste pas grand-chose si ce n’est quelques allusions dans le folklore, les grands dessins tracés sur le flan de collines et les croyances préservées dans les covens de sorcières.
En Irlande la Grande Mère était appelée Dana, la version galloise de ce nom était Don. Don avait une fille nommée Arianrhod, ce qui signifie « Roue d’Argent » nous pouvons donc la considérer comme une Déesse de la Lune. Mais elle était aussi la Déesse dont le château était le refuge de l’âme des héros après leur mort et la constellation de Cassiopée était appelée Lys Don, la Cour de Don. Il y avait, cependant, des lieux en Grande-Bretagne appelés Caer Arianrhod. Dans la baie de Cardigan au Pays de Galles on raconte qu’il y a une cité engloutie sous la mer appelée Caer Arianrhod et on peut entendre tinter son clocher sous l’influence de la marée.
Arianrhod avait un frère, qui était aussi son époux, il se nommait Gwydion et était « Le premier enchanteur des Bretons. » Les histoires du Mabinogion parlent de ces Dieux et Déesses mais de façon confuse et sont évidemment postchrétiennes, puisqu’elles contiennent des références à des choses comme de dire la messe. Nous pouvons, cependant, distinguer les contours des personnages divins qui brillent dans l’obscurité de ces brumes et nous imaginons ce que les anciens Bretons croyaient à leur sujet, sur leurs relations et fonctions, et la signification de leurs mythes. On disait par exemple qu’Arianrhod avait donné naissance aux Dieux jumeaux, Lyle, le Dieu-Soleil, et Dylan, le Dieu des Vagues et qu’elle avait conçu miraculeusement ces enfants en sautant par-dessus la baguette d’un magicien. Ce détail est intéressant, car il montre l’ancienne symbolique phallique de la baguette et son lien avec le balai que les sorcières portaient en tant que tel. Dans son « English Folklore » Christina Hole raconte : « Les gitans sautaient par-dessus des balais lors de leurs mariages et il y avait à un moment une forme de mariage assez courante où l’on passait sur un manche à balai mais le mariage n’était pas contraignant et il pouvait être défait par la suite s’il l’une des parties le souhaitait. » En fait, je pense que c’est plus une coutume de Travelers d’Irlande et Britanniques que de gitans, en tout cas c’est ce que m’ont dit les gitans. Dans le Yorkshire une femme de petite vertu est qualifiée de balai. Les mères prennent généralement soin de dire à leurs filles de ne pas sauter sur un balai et les gens malicieux ou méchants en posent parfois un à un endroit où passera accidentellement la jeune fille. Il se dit en effet que si elle enjambe un balai ou manche à balai, elle pourra devenir mère avant d’être mariée. Le thyrsus orné de lierre des Bacchantes avait probablement à peu près la même signification. Sur de vieux vases grecs, on voit des représentations de Bacchantes brandissant une branche avec un bouquet de feuilles à l’extrémité, ce qui fait penser à des représentations de sorcières avec des manches à balais.
wica wicca Gerald Gardner