Bien sûr, les rites sorciers sont
aujourd’hui différents de ce qu’ils furent il y a des siècles. A l’époque, lors
des grands rassemblements appelés Sabbats, de très nombreuses personnes se
retrouvaient. Ils venaient avec de quoi se faire à manger (d’où les « feux
d’enfer des Sabbats » dont on a beaucoup parlé) et se préparaient à passer une
nuit à s’amuser dans la lande une fois que les rites les plus sérieux seraient
achevés. En fait, les fêtes campagnardes les plus traditionnelles ont des liens
avec l’Ancienne Religion. Le puritain Philip Stubbes, dans son « Abuse Anatomy
», dénonce les gens qui passaient toute la nuit dans les bois et Christina Hole,
dans «English Folklore », remarque que les « Guisers » du Northamptonshire, des
danseurs folkloriques habillés de costumes fantastiques, sont appelés de nos
jours « Hommes-Sorcières ».
De tels exemples peuvent être multipliés à l’envie.
Le climat anglais, bien sûr, n’a pas toujours permis que ces rassemblements se
tiennent dans la lande et je pense que, dans ce cas, ils avaient probablement
lieu dans la grange de quelqu’un ou dans le hall d’une grande demeure
appartenant à un ami du Culte. Au pays de Labourd au Pays Basque, en 16O9,
l’enquêteur officiel de Parlement de Bordeaux, Pierre de Lancre, fut horrifié de
constater que le Sabbat avait parfois lieu dans l’église du village, avec
apparemment l’accord du prêtre. Il fut tout particulièrement scandalisé de
constater qu’un grand nombre de prêtres basques sympathisaient avec l’Ancienne
Religion.
On raconte souvent d’horribles histoires de rassemblements de sorcières dans les
cimetières et de sorcières qui, selon Robert Burns, « dans les cimetières
renouvellent leurs vœux sur la tombe des morts ». Mais, autrefois, on faisait
régulièrement la fête dans les cimetières. A l’époque, les cimetières n’étaient
pas ce qu’ils sont aujourd’hui, un lieu où il y a des pierres tombales, mais une
simple pelouse verte. Dans « Looking for History in British Churches », M.C.
Anderson écrit qu’il était autrefois facile de danser dans les cimetières, car
on n’y érigeait pas de pierres tombales comme on le fait aujourd’hui, « les
personnes importantes étaient enterrées sous des tombes sculptées dans les
églises », les petites gens restaient anonymes dans la mort avant le XVIIème
siècle.
Dans son livre « Mediaeval Poeple », Eileen Power raconte au sujet des paysans :
« Ils passent leur temps libre à danser, chanter et autres facéties, comme l’ont
fait les gens des campagnes depuis une époque plus sombre jusqu’à nos jours. Ils
étaient très joyeux, mais pas très raffinés, et ils choisissaient toujours le
cimetière pour y danser et, malheureusement, les chants qu’ils chantaient et
dansaient en cercle étaient de très anciens chants païens de leurs ancêtres et
qui venaient des anciennes festivités de mai, qu’ils ne pouvaient oublier ou des
chants d’amour paillard que l’église exécrait. Encore et encore, nous
rencontrons des assemblées presbytérales se plaignant que les paysans (et
parfois aussi des prêtres) chantaient des « chants pervers avec un chœur de
femmes qui dansent » ou « des ballades, des danses et des chants licencieux
diaboliques ». Encore et encore les évêques ont interdit ces chants et ces
danses, mais en vain. Dans chaque pays d’Europe depuis le Moyen Age, jusqu’à
l’époque de la réforme, et après elle encore, les gens des campagnes ont
continué à chanter et danser dans les cimetières ».
Elle dit aussi :
« Une autre vieille histoire raconte qu’un prêtre du Worcestershire a été
empêché de dormir par les gens qui, dans son cimetière, dansaient et chantaient
un chant dont le refrain était « Chérie ai pitié » et ce chant ne voulait plus
sortir de sa tête et, le lendemain à la messe, au lieu de dire « Dominus
Vobiscum », il a dit « Chérie ai pitié » et ce fut un scandale effroyable dont
on a beaucoup parlé ».
Pourtant, je n’ai jamais entendu dire qu’une rencontre de sorcières
contemporaines s’est tenue dans un cimetière, je pense que ces marchands de
sensations qui ont décrit des sorcières contemporaines se réunissant dans des
cimetières se trompent. Se trompent de quelques siècles.